Hervé This
Cours de Gastronomie moléculaire
21 et 22 janvier 2008

Programme (résumé)



  1. Introduction.
  2. La nature de la science (science, technologie, technique).
  3. La gastronomie moléculaire : historique, les recherches actuelles.
  4. Quelques résultats importants.
  5. Faciliter le transfert technologique : comment organiser

    les relations entre science et technologie,

    entre laboratoires scientifiques et monde industriel.

  6. Cas de propositions technologiques introduites depuis 2000

    dans le cadre de la collaboration avec Pierre Gagnaire.

  7. Recherche de typologie technologique.

Jour 1
21 janvier 2008

Il ne s’agit pas de prétendre ici rapporter ou retranscrire les propos ou le cours réalisé par Hervé This.
Mais il est certainement utile de rappeler certaines choses :

  • L’amphithéâtre de l’AgroParisTech était comble et le public international (Suisses, Canadiens, Brésiliens, Belges et Français faisaient le mélange des connaissances culturelles) ;
  • Le cours permet une confrontation d’idées, des échanges, un vrai débat ;
  • Nous sommes tous interpellés par l’importance des mots. Juste un exemple, rencontré au hasard de nombreux ouvrages ou de revues : « le sucre cristallisé, aliment naturel ». Faux rétorque Hervé This. Il ne pose pas, ce faisant, la question de savoir s’il faut consommer du sucre et en quelles quantités. Il explique simplement que pour obtenir ce produit, il faut faire pousser de la betterave sucrière ou de la canne à sucre, peut-être en utilisant des engrais, puis récolter, broyer, chauffer, purifier, cristalliser, etc. On comprend dès lors que le terme « naturel » est impropre. Il a fallu une technologie inventée par l’homme pour obtenir le sucre. A bien y réfléchir, il en va de même pour bon nombre d’aliments que nous consommons, rares étant ceux qui peuvent être absorbés sans transformations.
  • De la même manière, prétendre établir des classements entre des choses ou des perceptions faisant appel à l’hédonisme, sans mesures est un non-sens. A fortiori quand il s’agit de personnes. Viendrait-il à quelqu’un l’idée saugrenue de vouloir établir un classement des compositeurs de musique classique ? Personne n’y a jamais songé. Pourtant, régulièrement, un classement des meilleurs chefs de cuisine apparaît. Cette récurrence a de quoi surprendre, sachant que chaque chef (d’orchestre ou de cuisine) a ses propres objectifs et son cheminement pour les atteindre est, fort heureusement, personnel…


Hervé This présente une ampoule à décanter.

Un objet qui pourrait trouver sa place en cuisine,

à condition d’être moins fragile. A créer, donc…

  • S’il n’y a en cuisine que le classicisme qui vaille, faisons l’analogie avec la musique. Ne conservons que le classique. Exit donc le jazz, le rock, les musiques folkloriques …

Il ne s’agit pas dans mon propos d’être provocateur. Mais reconnaissons à Hervé This un immense talent ; celui de nous amener à réfléchir. Car là est tout le cours de gastronomie moléculaire. Il ne s’agit point de convertir je ne sais qui à je ne sais quelle chapelle, de dresser tel Clochemerle contre tel autre. Non !
Il est tout simplement question de réfléchir à des choses fondamentales :

    • Comment bien se nourrir ?
    • Comment être en bonne santé avec une alimentation saine ?
    • Comment apprêter, cuire, conserver, en fonction de quels résultats ?
    • Comment être efficace face à un objectif précis ?

Hervé This ne prétend pas être un cuisinier, même s’il a des connaissances en cuisine. Il est physico-chimiste à l’INRA. Et s’il travaille avec des cuisiniers -et puisqu’il ne faut pas faire de classement, de très bons cuisiniers-, c’est par passion pour appliquer des connaissances scientifiques à des actions réalisées dans des cuisines.
Attention ! Je n’ai pas écrit que les sciences étaient « appliquées », ce qui n’a aucun sens. Mais la connaissance née de l’expérimentation scientifique conduit à appliquer cette connaissance à des domaines de l’activité d’un cuisinier. C’est la connaissance qui est mise en œuvre !
On peut ainsi parler librement avec Hervé This des connaissances scientifiques sur les émulsions ou les gels. Il s’agit de science.
Nous autres, cuisiniers, n’étant pas scientifiques, pouvons tout de même utiliser ces connaissances : faire des gels ou des émulsions en comprenant les principes fondamentaux de leur réalisation permet d’éviter des échecs, mais surtout d’élargir le spectre du réalisable en cuisine.
Et donc d’innover…

Le cuisinier, s’il doit tout aux bases patiemment transmises et aux ressources de notre patrimoine gastronomique national, n’en demeure pas moins un acteur de son temps. Toujours attentif à répondre aux attentes d’une clientèle variée, informée, plurielle, il est aussi confronté aux évolutions de notre monde et de la filière des métiers de la restauration.
Savoir évoluer est un atout.
Le faire bien et en comprenant ce que l’on fait et pourquoi on le fait est un atout maître.


Ça, c’est de la science !

Au service de la cuisine.

Voilà pourquoi j’ai la certitude que les cours de gastronomie moléculaire sont un temps important dans la formation d’un cuisinier. Aujourd’hui, la plupart des cuisiniers utilisent des techniques de cuisson à basse température, des enceintes à micro-ondes, des inducteurs, des siphons, du gaz carbonique liquéfié, et des outils ouvrant de nombreuses perspectives. Autant comprendre comment faire au mieux avec tout cela, s’imprégner de bases fondamentales et agir pour créer et rentabiliser ces outils et ces investissements. Et, pourquoi ne pas s’approprier d’autres outils déjà en cours chez nos amis chimistes ? Un jour –certainement assez proche-, la filtration par verre fritté et dépression viendra à bout des dernières réticences…
Et ce n’est qu’un exemple !

Jour 1, 21 janvier 2008, Serge Raynaud,
professeur de cuisine et webmaître,
Lycée hôtelier de St Quentin en Yvelines

Jour 2
22 janvier 2008

De la même manière, il existe de nombreux additifs alimentaires, vous savez les "E quelque chose", souvent utilisés par l’industrie agroalimentaire, méconnus dans notre profession et qui nous permettraient de changer mais surtout d’améliorer nos pratiques, tant leur surprenante efficacité a été démontrée par Hervé This lors de ce séminaire par de simples manipulations et expérimentations. Rappelons simplement qu’Hervé This est « physico-chimicien » , qu’il est chimiste avant tout et qu’il manipule ces différents produits avec une grande dextérité mais aussi une grande rigueur.

Citons par exemple l’emploi en cuisine de tels produits, qu’il est assez facile de se procurer, notamment auprès d’un préparateur en pharmacie.
Imaginons un instant les cuisiniers manipuler dans un avenir proche de l’acide citrique, de l’acide ascorbique, du bicarbonate de sodium, de l’acide tartrique nature ou de glace, du sel de calcium, de l’alginate de sodium ou encore de l’azote liquide à
 196°c…
Certains le font déjà, me direz-vous, mais ils ne sont pas pléthore.

Par conséquent, il ne serait pas inutile de former les cuisiniers à l’utilisation de ces produits qui, mal utilisés ou mal dosés, pourraient provoquer des dégâts considérables menaçant notre santé ou bien même notre vie, sachant qu’il ne suffit très souvent que d’un gramme de substance additive pour mener à bien une expérimentation. Alors oui, à quand ces nouveaux produits en cuisine mais en ayant pris soin au préalable de bien encadrer leur utilisation ?

Selon Hervé This, le métier de cuisinier, ce que nous en faisons, nos pratiques culinaires n’ont pas évolué depuis les « grandes » inventions des 19ème et 20ème siècles, ou même du Moyen-Âge. Alors sommes-nous prêts à changer de comportement et proposer une autre cuisine ?

Certains chefs se sont lancés dans cette grande aventure, faisant preuve d’une certaine audace, en prenant parfois des risques insoupçonnés ou inconsidérés. Il est vrai que la Cuisine Moléculaire prend des formes parfois très alambiquées, que c’est une cuisine novatrice et qualifiée comme étant débridée et qui trouve un certain public. Certains précurseurs ont néanmoins voulu relevé ce pari ou ce défi, les plus connus à l’étranger étant Ferran Adria en Espagne, sacré « meilleur cuisinier du monde » ou Heston Blumenthal au Royaume-Uni. Mais nous avons les nôtres en France comme, le plus connu, Pierre Gagnaire ou encore Thierry Marx, Jean Chauvel, Benoit Bordier et d’autres « apprentis sorciers »...

Posons-nous un instant une question cruciale, est-ce davantage un phénomène de mode ou réellement une déferlante culinaro-culturelle ou plus simplement s’agit t’il d’une cuisine scientifique ou moderne…

Par ailleurs, pourrions nous transposer ces « expérimentations » dans le cadre de l’enseignement scolaire, peut on sereinement et en toute sécurité utiliser, entre autre, de l’azote liquide à –196 °C avec des élèves âgés en moyenne de 16 ans ? Ne jouons pas trop au « Petit chimiste » et apprenons d’abord la rigueur…

Merci Monsieur This pour ces deux journées « d’ouverture d’esprit ».

Nous vous dirons en conclusion :
Un blanc d’œuf n’est pas blanc !
Un jaune d’œuf n’est pas jaune !
Et cela est une réalité, vous pouvez l’observer par vous même.

Alors, comme nous avons dit du mal de l’œuf, pour nous faire pardonner il nous faut dire du bien de trois autres aliments :

  • L’Agar-agar : substance mucilagineuse extraite de certaines algues rouges, produit neutre et sain par rapport à la gélatine d’origine animale ?
  • La pâte à pistache : un pur bonheur pour de la peinture à l’huile alimentaire !
  • Le sucre : un aliment sain ! N’est-ce pas Monsieur This ?

Voilà une bonne chose faite.
Nous vous saluons, et à bientôt.

Jour 2, 22 janvier 2008,
Anne-Hélène Moussion,
Professeur en Services et Commercialisation, Lycée Montaleau, Sucy-en-Brie
Olivier Laporte,
Professeur en Organisation et Production Culinaire, Lycée Montaleau, Sucy-en-Brie

Dans la même rubrique