Évaluation et éducation, par Denis Herrero

Évaluation, Notation, Éducation - Réflexions et colloques

mercredi 21 mai 2008, par Serge Raynaud

Le texte ci-dessous est de Denis Herrero, professeur formateur à l’IUFM de Toulouse. Cette contribution met en lumière des comportements irrationnels face aux situations d’évaluation.
Notre collègue, à travers cette contribution, pose les vrais problèmes, interpelle et met à disposition des piste expérimentées par des experts.
Ce texte est disponible sur la plateforme et le forum animés par Denis Herrero, espaces présentés dans les articles accessibles en Cliquant ici

La question de l’évaluation revient avec force aujourd’hui ; elle reste à nos yeux la pierre angulaire du système éducatif, sur laquelle se cristallisent bien des peurs, des incompréhensions, des habitus .

La plateforme s’est déjà penchée sur cette épineuse et polémique question des pratiques évaluatives ; le document « L’évaluation en question » disponible sur la plateforme de travail collaboratif PATice sur le site extranet du CEDUS (ou à présent sur le CRN) demeure d’actualité.
Dans ce document, est évoquée « la constante macabre », règle semble-t-il implacable perpétuée par le système éducatif et dénoncée par André Antibi qui classe les élèves après une évaluation en trois groupes : « un tiers de bons, un tiers de moyens et un tiers d’élèves en échec ». Il reprend ainsi à son compte l’idée selon laquelle les notes d’un contrôle doivent se répartir sur une courbe de Gauss, représentant une forme de cloche (le sommet correspondant à la moyenne d’une classe et les deux extrémités les notes les plus basses d’un côté et les notes les plus hautes de l’autre). Cette pratique de sélection selon André Antibi conduirait irrémédiablement l’enseignant à se détourner de sa mission première : celle de transmettre des connaissances et de former à la réussite.

Pour nourrir nos réflexions, et tenter d’avancer dans cette délicate question, la plateforme propose une partie du compte - rendu du Colloque sur l’évaluation des élèves, organisé le vendredi 16 et samedi 17 mai 2008 à l’Université Paul Sabatier de Toulouse.
Le Colloque a pu s’appuyer sur la participation de recteurs de renom (Philippe Joutard, André Legrand), d’inspecteurs d’académie et la présence d’André Antibi.
Quelques extraits laconiques de ce Colloque (la version complète est disponible sur la plateforme, et le CRN :

« Le constat (.) est sans appel : notre système génère chaque année une cohorte d’élèves en situation d’échec. Il est nécessaire que le système change (.)
Ce qui peut expliquer la « constante macabre », analyse Uldarico Malaspina (Pérou), c’est en partie le sentiment d’insécurité éprouvé par les professeurs dans leur quasi majorité. Ce sentiment d’insécurité est lié au degré de maîtrise de sa discipline par l’enseignant. Ainsi, un professeur qui ne maîtrise pas forcément sa discipline se réfugie automatiquement dans des évaluations qui posent des difficultés aux élèves, afin de se positionner bien au dessus de ses élèves. En revanche, plus un professeur a du recul sur sa discipline, moins il est sujet à la « constante macabre » (.)
Aujourd’hui, il faut déplorer une véritable « école de la défiance », qui engendre ce constat terrible de l’échec scolaire (.)
Tant que le système ne sera pas en mesure de donner confiance aux élèves, il ne pourra pas évoluer (.)
Notation - Evaluation : implicitement, toute évaluation se transforme en concours. Philippe Joutard est catégorique : « il existe des écoles qui préparent Polytechnique dès la maternelle ! » (.)
L’idée d’avoir du plaisir à l’école est tout à fait « iconoclaste » ! Or, il faut réhabiliter la notion du plaisir à l’école. Du « plaisir » à la « confiance », il n’y a qu’un pas . (.)
Malgré tout, les enseignants dans leur grande majorité restent enfermés dans leur discipline, sont souvent étrangers aux contenus enseignés par leurs propres collègues . On laisse ainsi à penser que les élèves vont « implicitement » assurer la connexion entre l’ensemble de ces sous systèmes qui constituent l’Ecole . (.)

La « constante macabre » interpelle, et, sans vouloir prendre parti, pour tel système (portfolio ?) ou tel autre (EPCC ?), il faut assurément convenir de l’importance de la confiance à redonner aux élèves dans l’acte d’apprentissage.
Si la confiance peut se traduire de manière consciente, parfois inconsciente dans un rapport enseignant / enseigné, et d’aucuns jugeront combien un travail sur soi est indispensable pour faire abstraction d’un jugement trop hâtif sur la personne d’un élève, d’autres leviers plus matériels existent :

  • la transparence totale des objectifs et des contenus de formation,
  • l’acceptation de l’erreur dans l’apprentissage,
  • la mise en lumière des points positifs d’une évaluation, et des points à améliorer ainsi que des moyens pour y parvenir,
  • la formation continue comme dispositif pour s’interroger et échanger sur ses pratiques, et les faire évoluer au besoin,
  • enfin et sans être exhaustif, la transparence totale des modalités et contenus d’évaluation.
    En l’occurrence, ceux qui pratiquent le « Contrat de formation » en Travaux pratiques savent combien ce dispositif contribue à la réussite de l’élève dans ses apprentissages …

Il est d’ailleurs légitime de s’interroger sur la possibilité de transfert d’un tel dispositif aux séances de Technologie, dispositif à adapter bien entendu à la spécificité de cette séquence d’enseignement.
Dans ce contexte, il serait alors intéressant d’analyser ce qui pourrait être retenu de l’EPCC proposée par André Antibi .et dans une approche disciplinaire et interdisciplinaire.
Cette proposition est faite, peut-être sera-t-elle reprise par les membres du corps d’inspection, des enseignants volontaires … le nouveau CAP Pâtissier par exemple pourrait être un terrain d’expérimentations idéal ..

Restant à disposition si besoin...
Très amicalement, très respectueusement
Denis HERRERO

17 mai 2008. conférence sur l’évaluation. Toulouse.
EPCC. A Antibi
L’évaluation en question.

texte

Présentation Colloque -EPCC.
Veille pédagogique sur l’évalutation.

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