Un article de Émilie Rabottin pour la Gazette #Montpellier

Au cœur de ce vaisseau futuriste, la crème de la gastronomie, de l’hôtellerie et du tourisme est formée depuis dix ans. Bienvenue au lycée Georges-Frêche, jeune fleuron local de la formation pro.

Une vraie fourmilière. Entre les 850 élèves, les 130 apprentis et la centaine d’enseignants, le lycée Georges-Frêche renferme un village à lui tout seul. Derrière les 16 500 triangles d’aluminium, ils sont tous en pleine action : futurs cuisiniers, pâtissiers, boulangers, serveurs, barmen, maîtres d’hôtel… On se perd dans les couloirs et les passerelles reliant les cinq bâtiments. “Il y a une couleur par étage : vert, rose et orange”, nous indique le proviseur adjoint Bruno Midelet, sans cesse arrêté dans les couloirs pour des questions. C’est qu’en cette semaine de préparation des événements organisés pour le 10e anniversaire*, il est particulièrement sollicité. “Ce lycée se dirige comme une entreprise”, sourit-il, le visage tiré de fatigue. “ Sauf qu’on est ouverts de 7h à 23h. Mais on s’amuse 25h sur 24 !”

• Œuvre d’art

Georges Frêche, alors président de la Région, y pensait depuis 2006. Le lycée est sorti de terre au printemps 2012. L’homme politique souhaitait une formation d’excellence en matière d’hôtellerie, de restauration et de tourisme. Trois secteurs essentiels de notre territoire. L’établissement devait se nommer lycée Marianne, mais à la suite du décès de Georges Frêche, en octobre 2010, un hommage lui est rendu en rebaptisant le lieu. Deux jours avant l’inauguration du lycée, une statue de Georges Frêche de 3,20 mètres de haut a d’ailleurs été dévoilée sur le parvis.

Le bâtiment en soi est un symbole de savoir-faire : son architecte, l’Italien Massimiliano Fuksas, de renommée internationale, l’a conçu comme un vaisseau futuriste, tel un musée d’art moderne. “C’est une œuvre d’art réalisée par l’un des plus grands architectes du monde”, a déclaré Christian Bourquin, président de la Région de l’époque, lors de l’inauguration en 2012.

Des artistes haut de gamme pour un projet d’ambition : quatre restaurants et un hôtel d’application, le seul de l’ex-région Languedoc-Roussillon, où dorment et mangent de vrais clients, un internat, un gymnase… “Ce lycée est une vitrine souhaitée par Georges Frêche, que l’on doit maintenir”, assurent de concert la proviseure Catherine Reboul et son adjoint. Repas de la rectrice avec des délégations étrangères, venue d’un ministre qui nécessite des dizaines de repas gastronomiques (finalement annulée), vœux de Carole Delga avec 300 convives ou pot de départ d’un haut fonctionnaire, “on est sur le pont sept jours sur sept”.

Les jeunes étudiants peuvent se former pendant un à six ans dans l’établissement, parfois en cumulant plusieurs des vingt formations. Certains arrivent dès l’âge de 14 ans, après la troisième, en CAP cuisine, crémier-fromager, boulanger, pâtissier, ou en commercialisation et services en hôtellerie-restauration. Bacs pro, BTS… Certains suivent la chronologie du cursus pour se perfectionner, et même se spécialiser dans l’une des six mentions complémentaires, comme Sommellerie, Traiteur, Accueil et réception ou Pâtisserie.

• Top chef

“Les jeunes veulent un CAP Frêche, car ils veulent toucher à tout, de la crémerie jusqu’au bar”, explique le directeur des formations, Pascal Mesnard. “90 % des élèves savent vraiment pourquoi ils sont là.” Un enseignant en boulangerie, Benoît Taïx, confirme une tendance qui se développe : “Ils arrivent plus aguerris que les premières promos, c’est l’effet des émissions Top Chef, le meilleur pâtissier ou boulanger de France !”

Dans certaines formations, le nombre de demandes est sept fois supérieur aux places disponibles. “Notre capacité d’accueil étant limitée, on reçoit les meilleurs élèves.” Et dans la région, les établissements offrant autant de formations sont rares : Pascal Mesnard cite le lycée Christian-Bourquin à Argelès. En 2022, Frêche se classait 6e sur 25 du palmarès de L’Étudiant, avec une note de 16,98 sur 20. Les critères de classement : taux de réussite au bac (95 % en 2022), capacité à faire progresser les élèves, à les garder, taux de mentions (69 % en 2022). Le lycée est également doté d’un équipement de pointe, régulièrement modernisé.

En dix ans, les professeurs ont vu les évolutions : “On a fait un bond en avant”, témoigne le prof de cuisine Thierry Raynal. “Matériel, variété de formations avec la création de la section Mise à niveau il y a trois ans.” Il faut ajouter à cela la création du CAP crémier-fromager, le développement des concours régionaux, voire mondiaux d’où certains ressortent champions. Et la multiplication des partenariats à l’international : Europe, Chine, Canada, et en projet, Costa Rica et Panama.

• Élysée

Le bâtiment a vu passer les meilleurs mondiaux, comme Pierre Hermé en jury des championnats de desserts en 2019. Des hommes politiques aussi. Les élèves sont même allés servir à l’Élysée en 2016 : 21 d’entre eux ont mis les petits plats dans les grands pendant la présidence de François Hollande.

Des étoilés comme les frères Pourcel interviennent pour des formations, et prennent régulièrement des élèves en stage. “Au lycée Georges-Frêche, ils ont tout pour réussir, grâce à un très bon encadrement, des enseignants qui ont la capacité de révéler leurs talents”, assure le chef Jacques Pourcel. Le Meilleur ouvrier de France en desserts glacés, Gérard Cabiron, intervient aussi dans les locaux : “Ce lycée est le leader dans la région, il offre le panel de formations et de carrières le plus large. Il y a de bons éléments. J’ai d’ailleurs embauché deux anciens en pâtisserie.”

Le lycée lui-même est une star : ses courbes futuristes en font l’objet d’au moins deux tournages par an de la série Un si grand soleil, de shootings mode et de tournages de clips. Il ouvre aussi ses portes lors des Journées du patrimoine en septembre. Un personnage à lui tout seul !