Véronique Vigne
Première femme Meilleur Ouvrier de France dans la catégorie Maitre d’hôtel, du service et des arts de la table Chevalière de l’Ordre national du mérite
Enseignante au lycée professionnel Jean Monnet au Puy-en-Velay
Dotée désormais d’une longue expérience dans le métier, concernée et sensible au sujet étudié, préfacer ce livre est pour moi, un honneur. Rédiger cette présentation ou introduction du thème m’offre le sentiment de devenir plus légitime au milieu du monde masculin dans lequel je me suis, constamment et silencieusement, appliquée à « faire mes preuves ».
Voici une courte anecdote pour imager le propos. Peut-on imaginer qu’aucun vestiaire femme n’était prévu dans le premier établissement de formation dans lequel j’ai œuvré ? Il y a seulement 28 ans !
Débuter en jetant un regard sur le passé nous guidera pour comprendre, et à adhérer à l’évolution nécessaire qui se construit dorénavant.
Depuis bien longtemps, la planète tourne avec « l’Homme ». Cet Homme, « en majuscule », auteur d’actes, d’inventions remarquables et mémorables. Cependant, il semble que quelque chose de grand et de noble reste à accomplir dans ce monde. Nul doute qu’en accédant à sa réalisation, c’est l’humanité tout entière qui en serait bénéficiaire.
Retournons quelques siècles en arrière. Au Moyen-âge, les métiers s’annonçaient inattendument au féminin tels que : ferronne, maçonne et même cervoisière (soit brasseuse de bière), voire bourrelle (équivalent du bourreau). Que s’est-il alors passé pour devoir observer ce déséquilibre, sans oser parler de régression ?
Serait-ce soudainement l’homme, « en minuscule », qui entreprit de donner la primauté à la masculinité lors du XIXe siècle ? Probable ! Même si au siècle dernier, les femmes se voient accorder de nouveaux droits. Par défaut, par mesquinerie… ? Peut-être !
En effet, celles-ci prennent alors leur place dans le marché du travail ; n’oublions pas que les hommes manquent après les guerres. Doit-on s’interroger également sur le droit de vote obtenu en 1944 ? Ne s’est-il pas imposé pour éviter qu’une élection ne soit invalidée à cause d’un nombre d’électeurs insuffisant, autre conséquence des guerres ?
Oui, une timide évolution est constatée ! Ne serait-ce qu’en se rappelant qu’une femme peut ouvrir un compte bancaire en toute autonomie et indépendance depuis seulement 57 ans ! C’était hier.
Aujourd’hui encore, on admire plus volontiers la gent masculine qui se distingue dans des professions pourtant initialement mises en valeur par les femmes. Simple exemple des célèbres Chefs de cuisine appris, enseignés par « les Mères ». À qui accorde-t-on la gloire, ou le mérite ? Aux hommes. La serveuse appréciée, pour laquelle, il n’y a pas si longtemps on confondait encore parfois les missions (j’ai eu à m’en défendre), peut plus difficilement prétendre au titre de Maitre d’Hôtel.
On accepte que le prestige fasse briller un métier dès lors que le masculin s’en empare pendant que l’on attendra deux, voire trois fois plus d’efforts, de preuves, de démonstrations de ses capacités à la gent féminine. Ce fonctionnement explique également les différences de traitements, de salaires, de récompenses ou autres gratifications entre les hommes et les femmes.
Les cultures doivent évoluer, ce constat s’observe constamment, dans tant d’autres domaines : chez les grands sportifs, dans la mode, dans le milieu médical ou chirurgical (qui est capable de citer spontanément le nom d’une chirurgienne réputée ?), dans la science, ou encore l’aviation.
Au-delà de cela, les premières femmes récompensées ou reconnues dans leur domaine intéressent nettement moins les médias. Croyez-en mon expérience…
Les exemples sont inépuisables. D’ailleurs, aujourd’hui, en 2022, on s’étonne et on se flatte d’oser nommer une femme Première ministre alors que nos voisins ont été dirigés par une chancelière pendant 16 ans. Il y aurait encore tant à évoquer !
Oui, quelque chose de grand reste à accomplir. L’humanité aura tant à gagner lorsque les femmes et les hommes, les filles et les garçons apparaitront comme véritablement égaux et que chacun pourra agir comme tel, naturellement, sans réserve ni retenue.
Certes, l’essor est donné, des étapes importantes sont franchies, mais la relâche n’est pas permise. Les efforts pour convaincre et provoquer le changement de certains comportements (souvent spontanés et sans mauvaises intentions, juste « culturels ») doivent être fournis.
Toutefois, il est souhaitable de réaliser cette amélioration, ce changement, le plus naturellement possible, « bellement », sans les ternir de brutalité, sans sombrer dans une forme d’extrémisme qui altère trop fréquemment des intentions courageuses et louables.
Dans sa démarche, Étienne Chauvin se révèle un exemple à suivre, une référence, une source d’inspiration. Je tiens à le remercier pour son intérêt et l’étude menée, pour l’impulsion donnée au sujet qui lui tient à cœur et, pour m’avoir sollicité. C’est avec une certaine émotion et beaucoup d’humilité que je le soutiens dans son investissement personnel et la noble cause, endossant volontiers un rôle d’ambassadrice.