Les Pôles Science & Culture Alimentaire

Des opportunités pour un développement régional autour des activités culinaires

lundi 31 août 2015, par Serge Raynaud

Présentation

La Fondation Science & Culture Alimentaire, de l’Académie des sciences, a pour objectif le développement de la culture alimentaire en France. Ses pôles régionaux encouragent des activités qui réconcilient les divers publics, favorisant les synergies. Le monde éducatif est essentiel, dans ce dispositif. Aujourd’hui, cinq pôles sont actifs, et d’autres sont en construction.
En avez-vous un dans votre région ?

Académie des Sciences

En 2004, l’Académie des sciences considérait qu’il fallait encourager le développement d’activités culturelles autour du fait alimentaire et elle créait à cet effet une Fondation Science & Culture Alimentaire.

Les pôles régionaux

Depuis sa création, la Fondation contribue à créer des « Pôles régionaux », où s’effectuent des activités pédagogiques variées :

  • séminaires,
  • concours,
  • conférences,
  • visites,
  • autres activités visant à réconcilier les divers publics régionaux, autour du fait alimentaire.

Ainsi, le Pôle Science & Culture Alimentaire de Franche-Comté organise maintenant des séminaires d’études des précisions culinaires :
« Des séminaires de précisions culinaires ont lieu chaque mois depuis décembre 2014 sur différentes thématiques suite à des travaux réalisés par des étudiants de l’ENILBIO de Poligny, de l’ENIL de Mamirolle et du lycée hôtelier Friant de Poligny. »

Ils sont réalisés dans le cadre du Pôle Franc-comtois de la fondation Science et culture alimentaires de l’Académie des Sciences.
Ces séminaires sont réalisés dans le cadre du Plan régional de l’alimentation, piloté par la DRAAF de Franche-Comté, qui en assure le cofinancement.

Séminaires de précisions culinaires

Le Pôle Science & Culture Alimentaire des Pays de la Loire organise des séminaires « science et cuisine ».

Atelier professionnel - Pays de la loire

Pour les concours, on notera le Trophée Louis-Pasteur, du pôle de Franche Comté :

Trophée Louis-Pasteur. Pôle de Franche-Comté

Et le Concours Science & Cuisine des Pays de la Loire :

Concours Science & Cuisine des Pays de la Loire

Et dans votre région ?

Voici l’état actuel de la France, en matière de Pôles Science & Culture Alimentaire : les régions en bleu ont déjà un pôle actif, et celles qui sont en vert prévoient d’en construire un.

Carte des pôles régionaux

Et dans votre région ? Si elle figure en blanc, n’hésitez pas à contacter Hervé This : Hervé This

Des besoins nationaux qui passent par les régions

La balance commerciale de la France doit beaucoup à l’hôtellerie-restauration et au tourisme, où l’alimentation est essentielle. Ainsi le montant de la production de services touristiques s’élève à 84,7 milliards d’euros en 2009, et la part de la valeur ajoutée dans le PIB (42 milliards d’euros) est bien supérieure à celle d’autres secteurs tels l’énergie (30 milliards d’euros), l’agriculture (30 milliards d’euros), les industries agro-alimentaires (26 milliards d’euros), ou l’automobile (11 milliards d’euros) ; le tourisme emploie directement un million de personnes, dans plus de 200 000 entreprises.
Cette activité mérite d’être encouragée, modernisée...

Aujourd’hui, le monde industrialisé est affecté par un dérèglement croissant de l’alimentation humaine. L’augmentation de la prévalence de l’obésité en est un signe :

Obèses parmi les 15 ans ou plus

Or, les données scientifiques (biologiques, chimiques, pédologiques, médicales, épidémiologiques, …) se multiplient, permettant d’assurer une alimentation à tous et à chacun qui contribue à des états de bonne santé sur de longues durées.
Les cultures des différents pays ne participent plus à maintenir un état sanitaire adéquat, mais elles ne sont plus transmises systématiquement d’une génération à l’autre, pas plus en Orient qu’en Occident, et elles ne réussissent pas à intégrer, dans les modes de préparation, c’est-à-dire l’art culinaire, et ses méthodes adaptées aux technologies actuelles et aux modes de commercialisation. Les sociétés, même celles qui paraissent avoir atteint un stade de maturité où l’alimentation assurée devrait être des secteurs où la santé et le plaisir des repas sont la loi, ce qu’elles ne sont que de moins en moins. Un travail est à faire pour pallier ces déficiences.

À plus long terme, l’alimentation humaine est confrontée à trois phénomènes essentiels, à savoir :

  • l’expansion de la population humaine, qui atteindra 9 à 10 milliards d’individus vers 2050,
  • une crise de l’eau,
  • une crise de l’énergie.

Ces perspectives doivent être mises en relation avec deux questions essentielles : la sécurité alimentaire (satisfaction quantitative des besoins), et la sécurité (sanitaire, nutritionnelle...) des aliments. Pour ces deux questions, les citoyens reçoivent des médias des informations contradictoires, qui gênent l’appréciation qui peut en être faite, ce qui est à l’origine de tendances sociales qui se heurtent parfois à l’action qui doit être entreprise par les pouvoirs publics.

L’alimentation humaine a considérablement évolué, et évolue encore beaucoup, depuis la Seconde Guerre mondiale : en moins de 50 ans, la part des dépenses alimentaires dans le total des dépenses des ménages a été divisé par presque deux, passant de près de 35 % au début des années 1960 à moins de 20 % aujourd’hui. Il est préoccupant que cette proportion ne soit que de 8 % pour les plus jeunes, et qu’elle continue de baisser à chaque génération : cette diminution du poids des dépenses pour l’alimentation s’explique, en partie, par la baisse relative des prix de certains produits, mais, aussi, par le fait que les jeunes générations arbitrent économiquement en défaveur de l’alimentation, consacrant de moins en moins de temps à l’ensemble des activités liées à leur alimentation. Par rapport aux générations qui les précèdent, les plus jeunes ont des indices en alimentation saine inférieurs.

L’écho public donné à quelques crises alimentaires, notamment celle de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), a conduit les citoyens, représentés publiquement par la presse, a avoir le sentiment que leur alimentation serait moins bonne que par le passé. Outre les crises sanitaires majeures de ces dernières années, il n’est pas une journée sans que les médias, donnant la parole à des « experts » auto-proclamés, n’alertent les citoyens sur les dangers de toutes natures (sanitaires, nutritionnels, environnementaux...) des aliments qu’ils consomment. Pesticides, OGM, huile de palme, acide gras trans, colorants, conservateurs, sel, sucres et édulcorants, perturbateurs endocriniens... : il devient difficile de manger sans crainte.
Outre le fait que ces informations (qui confondent souvent danger et risque) entretiennent l’anxiété de la population, elles engendrent le doute sur le fait que d’autres ingrédients nocifs aient pu « passer entre les mailles du filet », doute renforcé par les fraudes (viande de cheval, par exemple) qui sont dénoncées sans être beaucoup relativisées. Finalement, lorsqu’ils s’intéressent à la qualité de leur alimentation, les citoyens font avant tout confiance aux médecins et aux fournisseurs locaux (pas toujours bien informés), ou aux associations de consommateurs. La baisse de confiance vis-à-vis des acteurs privés est notable, depuis quelques années, mais, ce qui est plus grave, la confiance dans l’administration est également réduite.

Alors que se propagent encore des propositions diététiques fantaisistes, dont certains présentent des dangers sanitaires connus, la nutrition (science nutritionnelle) est une activité qui gagne aujourd’hui en maturité scientifique, grâce à ses bases biochimiques, de sorte qu’elle commence à pouvoir proposer des idées saines d’application diététique, contribuant à une rénovation des pratiques culinaires.

La dissémination des connaissances scientifiques et médicales, dans la population passe par la diffusion du mode de traitement des ingrédients alimentaires et leur transformation en repas adaptés aux besoins. C’est tout à fait le rôle de l’art et de la technique culinaires.

Depuis les années 1980, la discipline scientifique nommée gastronomie moléculaire n’a cessé d’explorer les pratiques culinaires, produisant un large corpus de connaissances qui peuvent parfois rénover les pratiques culinaires. La gastronomie moléculaire pris sa place entre la science de l’aliment, qui se préoccupe surtout de la constitution physico-chimique des productions de l’agriculture ou de l’élevage, et la technologie alimentaire, qui, historiquement, s’est essentiellement consacrée à la production industrielle d’aliments. La gastronomie moléculaire, elle, s’intéresse à la physico-chimie des transformations culinaires et des divers phénomènes gastronomiques, dans un cadre culturel, historique et social. Naturellement, cette discipline a des relations étroites avec les sciences des aliments, la nutrition humaine, d’une part, et le monde industriel, d’autre part. Son développement est le socle sur lequel peut se fonder une rénovation des arts et des techniques culinaires, ainsi que des applications techniques et pédagogiques de celle-ci.

À ce jour, les études de technologie alimentaire ont principalement concerné l’industrie ; l’artisanat et la petite industrie des métiers de bouche ont peu bénéficié et pris en compte les résultats de la recherche en sciences des aliments. Ainsi, il n’existe pas de Centre technique de la cuisine, de sorte que le monde culinaire souffre d’une vétusté de ses concepts, de ses outils et de ses ingrédients.
Or le projet scientifique de la gastronomie moléculaire s’accompagne d’applications technologiques qui incluent une rénovation autant des concepts que des ustensiles, matériels, ingrédients et que techniques et procédés utilisés par les cuisiniers domestiques, les restaurants ou les industriels.
Naturellement, cette rénovation serait très inefficace si elle ne bénéficiait pas des résultats obtenus par les laboratoires engagés depuis longtemps dans le domaine de la transformation alimentaire (surtout à visée industrielle).

Une très faible prise en compte du lien entre science, nutrition, santé et art, culture et société dans le domaine de l’alimentation.
Avec le climat et le sol, la culture gastronomique fonde la diversité, la qualité et l’originalité des productions culinaires. Les enjeux de cette culture sont à la fois nationaux et internationaux :

  • Nationaux : la qualité de l’alimentation détermine l’état de santé des populations, les enrichit de cultures variées. Le mot "santé" est employé ici dans l’acception de l’Organisation mondiale de la santé, il comprend à la fois l’intégrité des fonctions physiques, et aussi le bien-être psychique.
  • Internationaux : l’image qu’un pays donne à l’étranger contribue au développement de son tourisme et de son commerce extérieur.
    Toutefois, de nombreux pays, notamment la France, se sont insuffisamment préoccupé de développer institutionnellement la culture alimentaire et, notamment, de donner aux citoyens les moyens de bien organiser leur alimentation.

Les enseignements culinaires ne sont que rarement dispensés dans l’enseignement, de sorte que les jeunes citoyens n’apprennent plus à préparer les cinq à dix fruits et légumes dont le Plan national nutrition santé (PNNS) recommande pourtant la consommation ; cette méconnaissance de l’alimentation contribue sans doute à un certain nombre de pathologies nutritionnelles et à une érosion de la culture alimentaire.
La suppression des enseignements de cuisine ou d’économie domestique, ou leur absence, selon les pays, est due à plusieurs causes :

  1. l’enseignement n’a pas mission de transmettre des protocoles (les "recettes"), mais plutôt des méthodes, car elles ne sont qu’incomplètement définies scientifiquement ;
  2. la relation de l’acte culinaire (technique) avec la science, d’une part, et l’art, d’autre part, n’a pas été clairement dégagée, ce qui aurait permis un enseignement en relation avec les cours de science ou les cours d’art, donnant à ces deux derniers des supports qui intéressent les élèves ;
  3. la nécessité d’expérimentations pratiques rend de tels enseignements plus coûteux que les cours théoriques. Les Actions, telles La Main à la Pâte, démontrent à l’envie l’intérêt de telles formations.

Ainsi peut-on expliquer que les cours de cuisine ou d’économie domestique aient été supprimés en France, dans l’Éducation nationale, depuis quelques décennies,
Sans formation, les citoyens ne peuvent rationnellement déterminer leur alimentation : comment réduire la quantité de matières grasses et de sucre dans des plats classiques, si le seul recours intellectuel est l’application d’un protocole (recette) ?
Pour adapter son alimentation à ses besoins individuels, chaque individu doit connaître ses besoins réels et comprendre les gestes culinaires qu’il effectue, être en mesure de déterminer les effets des ingrédients qu’il utilise, et les opérations qu’il effectue.

Un projet orienté vers une amélioration de la santé individuelle et publique

Les données chimiques, biologiques, médicales et épidémiologiques, permettent de s’attaquer à quelques grands problèmes actuels, notamment la malnutrition et l’obésité. L’adaptation d’une alimentation proportionnée aux dérèglements et les traductions dans la pratique alimentaire et culinaire sont des axes de travail de la Fondation Science & Culture alimentaire, ainsi que de ses divers Pôles à ancrage territorial.
Si le terme « science » est premier, dans la dénomination de la Fondation et de ses pôle, l’art culinaire est au centre des travaux. Outre le sens du mot « art » couramment utilisé actuellement, ce mot caractérise aussi les aptitudes, l’habileté et l’ensemble des moyens, des procédés, des règles intéressant une activité, une profession. L’art culinaire est systématiquement pris en exemple. L’art médical l’était autrefois ; l’art culinaire suivra le même chemin et deviendra progressivement plus scientifique et plus technique au fur et à mesure de l’apparition de liens entre nourriture et santé. Il s’étend à l’harmonie et à l’art de la table. Elle s’inscrit dans un contexte culturel et sociologique.
La Fondation Science & Culture alimentaire et ses pôles ont également un projet culturel : on entendra ici la culture comme un ensemble d’usages, de coutumes, de manifestations artistiques, culinaires, intellectuelles, religieuses qui définissent et distinguent un groupe, une société.
Il est évident que l’art de se nourrir, le soin qui y est apporté caractérisent notre pays et le distingue en ensembles plus petits, en régions et plus grands, en continents. En France, il s’enrichit, actuellement et depuis des siècles, des pratiques des peuplements successifs qui constituent la communauté nationale.
Insérer le soin à satisfaire sa faim, à préserver ou acquérir une santé satisfaisante, survit dans une culture. Cet aspect est nécessaire pour construire un lien social et fortifier le lien familial.

Une action pédagogique indispensable

Les recherches scientifiques et technologiques évoquées précédemment ont des applications pédagogiques à la fois dans les enseignements professionnels et dans les enseignements généraux, jusque dans l’enseignement supérieur.
Les enseignements généraux : L’état de santé de la population française ne sera satisfaisant que si l’alimentation est saine, équilibrée, diversifiée. Toutefois l’urbanisation (avec la réduction concomitante de la taille des foyers) et la disparition de l’enseignement culinaire au sein de l’Éducation nationale a conduit notre pays à une situation paradoxale : alors que la France, et les Français, se targuent d’avoir les "meilleures cuisines du monde", les jeunes citoyens arrivent à la majorité sans avoir appris à cuisiner, sans savoir que cuisiner, pourquoi il convient de le faire ainsi...
Ils ne savent alors pas mettre en œuvre les recommandations nutritionnelles et risquent de souffrir alors de pathologies alimentaires variées. Notamment, si la sédentarité croissante explique en partie l’évolution de l’obésité, elle n’en est pas la seule cause. Rendre la maîtrise de leur alimentation aux citoyens semble un pas important vers l’obtention d’un "état alimentaire national" convenable.
Naturellement, l’École ne doit pas être un lieu de transmission d’informations sans regard critique : les transformations culinaires qui seraient enseignées lors de séances en cours de définition doivent associer données scientifiques et art culinaire.
Pour y parvenir, le Ministre de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche a annoncé l’introduction d’Ateliers expérimentaux du goût dans les Écoles, en 2001, mais la diffusion de ces activités reste insuffisante. Le soutien de l’Académie des sciences, notamment par l’action « La Main à la Pâte », serait un atout pour le développement de ces activités dans l’enseignement général de premier et second degré.

Les formations professionnelles : Naguère, les enseignements culinaires restaient fondés sur des notions aujourd’hui périmées : albumine, osmazôme, notion de "cuisson par concentration", de "cuisson par expansion"…
Un effort de rénovation des enseignements professionnels a été entrepris en 2004, pour les Certificat d’aptitude professionnelle, mais cet effort doit être poursuivi pour les autres diplômes de l’Éducation nationale, tant pour le secteur de l’Hôtellerie-Restauration que pour les enseignements technologiques, tel l’enseignement agricole.

L’enseignement supérieur  : Il est également concerné, parce que les exemples culinaires sont souvent utiles pour faire comprendre aux étudiants l’intérêt de notions abstraites dans les diverses disciplines. Les Journées françaises de gastronomie moléculaire seront pérennisées, et un Groupe de didactique des sciences sera organisé par la Fondation.

La formation continue ne sera pas omise : tant pour les professeurs des séries professionnelles que pour les artisans en activité - cuisiniers, pâtissiers, charcutiers…- doivent bénéficier des efforts entrepris. Des actions de formation telles que les enseignements de l’Institut des hautes études du goût, de la gastronomie et des arts de la table, les Cours de gastronomie moléculaire niveau 1, les Séminaires INRA de gastronomie moléculaire, seront développées.

Une fondation de l’Académie des sciences

Pour contribuer à résoudre les questions évoquées précédemment, l’Académie des sciences a créé une fondation dont la mission est d’organiser un espace d’études et de recherches qui mêlera la recherche scientifique, la recherche technologique (industrie alimentaire et divers métiers de bouche), la recherche artistique, la pédagogie et la recherche pédagogique et la diffusion des informations produites lors des études.
En conséquence, cet espace devra accueillir aussi bien les sciences exactes que les sciences humaines, les débats techniques que les débats artistiques, culturels et économiques et :

  • Contribuer à l’avancement de la cuisine (avec notamment des recherches dans les trois directions technique/artistique/culturel) ;
  • Créer des synergies entre le monde de la recherche (scientifique, technologique, technique, artistique) et le monde de la communication (éducation et médias) dans le champ délimité par la Fondation ;
  • Créer un réseau de pôles régionaux d’animation en matière alimentaire, le Centre Louis Pasteur de l’Académie des sciences, Alimentation-Santé de Franche-Comté constituant le premier élément du réseau ;
  • Contribuer à la coordination des initiatives en matière de recherche scientifique et technologique dans le monde culinaire, des initiatives en matière de pédagogie dans le monde culinaire, des initiatives locales d’animation gastronomique.

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