Les concours de service en salle. Libre propos, par Gil Galasso

lundi 16 juin 2008, par Serge Raynaud

les concours de service en salle, quelle évaluation ?
Quelle contribution à la formation des élèves ?
Le point de vue de Gil Galasso, professeur de restaurant

Remarque : Les échanges doivent porter sur des problèmes bien identifiés, ne pas conduire à des affrontements de personnes mais viser le débat d’idées, respecter l’éthique du service public de formation, être objectif par rapport au contexte des formations (référentiels, niveaux de formation, ...) et s’inscrire dans une démarche constructive visant à faire évoluer de manière positive tout ce qui peut contribuer à améliorer la formation en hôtellerie restauration.

Repenser les concours professionnels de salle

- Je souhaite tirer l’alarme sur ce que je vois dans les concours de salle depuis trop d’années déjà. Alors que les concours de cuisine, de sommellerie, de bar, semblent être organisés dans la transparence et avec un souci de recherche de l’excellence, les concours de salle sont trop souvent poussiéreux et ne reflètent plus les réalités de notre profession. Va t’on continuer longtemps à se voiler la face et à tromper les élèves qui ont le courage de travailler pour se préparer à des échéances qui ne représentent plus rien dans la profession sauf pour les quelques organisateurs des épreuves ?

 Il est urgent dans un premier temps de redéfinir qu’elles sont les réalités de notre métier, et adapter ces réalités à tous les concours professionnels. Comment peut-on continuer à évaluer un geste technique hyper précis comme la découpe d’une selle d’agneau sans tenir compte de la relation commerciale qu’aura le candidat avec le jury ? Comment est-il possible que dans des concours à l’international il n’y ait pas d’épreuve d’Anglais, d’Espagnol, d’Allemand ? Un Chef de Rang se doit d’être polyglotte, en tout cas en ce qui concerne quelques mots de base. Comment peut-on accepter qu’un candidat ait à ressortir devant un jury des connaissances livresques que jamais un client ne demandera, et à côté de ça qu’il soit incapable de rapporter à un client des éléments de la presse quotidienne, que beaucoup demandent (première question posée à table aux serveurs : la météo locale).

 Où sont les maîtres d’hôtels ? il est vraiment temps que les organisateurs des concours, souvent à la retraite, et qui ont connu la profession à une époque qui n’avait plus grand chose à voir avec l’époque actuelle, s’entourent de professionnels du service en exercice, qui sont confrontés aux réalités du métier : être aimable, mettre en valeur les plats proposés par la cuisine, servir vite et chaud, vendre du vin, trouver du personnel, travailler avec des extras, s’adapter à une clientèle étrangère de plus en plus difficile, s’adapter à des contraintes fortes en matière de contrôle des coûts, maîtriser la législation concernant les travailleurs étrangers...

 Les enseignants, dont je fais partie, s’investissent beaucoup dans le milieu associatif et dans l’organisation des concours, et c’est tout à leur honneur, car il font un travail important, sans celui-ci les concours n’existeraient même pas, mais il n’est pas possible que certains concours soient organisés par des personnes qui n’ont jamais exercé dans la profession, des théoriciens qui placent l’interrogation à un niveau qui est plus proche du jeu télévisé que d’une simulation réelle de la relation serveur-client.

 Je souhaite aussi demander aux présidents de tous les concours professionnels d’arrêter de laisser juger les candidats par leurs propres accompagnateurs. Certains sont honnêtes bien sûr, mais certains ne le sont pas et favorisent leurs candidats ; c’est une réalité, comme au patinage artistique. Peut être ne notent-ils pas directement d’une manière ridiculement élevée leur candidat (encore que je l’ai constaté dans plusieurs concours), mais il est facile de rabaisser la note des candidats concurrents sans autre explication que le "le jury est souverain".

 La question de la sauvegarde des valeurs de notre métier se pose. Les concours servent souvent de passage de témoin entre les générations, et je milite pour que ne soient jamais perdues les techniques que nous ont apprises les anciens, mais l’évaluation de ces techniques doit toujours s’inscrire dans une démarche plus large, dont le but est la satisfaction du client, sans quoi elle ne vaut rien.

 Notre pays n’est plus à la première place en ce qui concerne le service en salle. Les clients nous rapportent qu’ils sont mieux servis dans d’autre pays que le nôtre, par exemple dans certains pays de l’Est. Nous l’avons constaté aux dernières Olympiades des Métiers, la France se classe 14ème sur 21 nations en compétition, et derrière le Vietnam (nous parlons de service en salle !), aux Olympiades précédentes, la France se classe 11ème sur 16.
Va t’on continuer longtemps à ignorer cette réalité et continuer à laisser les candidats réaliser une salade de fruits en trente minutes sans adresser la parole au jury ?

 Je propose que soient pris en compte les éléments suivants dans l’organisation des tous les concours de salle :

  1. La conception des sujets doit coller aux réalités de notre profession
  2. Chaque jury doit être constitué d’au moins un professionnel de la salle.
  3. Aucun accompagnateur ne peut évaluer, il ne doit même pas assister aux épreuves en présence de son candidat.
  4. Les techniques obsolètes (avocat aux crevettes, pamplemousse cocktail) doivent être remplacées par des techniques effectives pratiquées dans la profession (filetage d’un poisson, découpe rapide d’une volaille...) et ces techniques doivent être associées à une démarche commerciale.
  5. Les langues étrangères et la culture générale des candidats doivent être systématiquement évaluées.
  6. Les candidats doivent recevoir à la fin des épreuves leurs notes, et les explications qui vont avec (comme pour les examens de l’Éducation Nationale).

Gil Galasso,
Professeur de restaurant,
Lycée de Biarritz.

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