Championnat du monde des maîtres d’hôtels

mercredi 12 novembre 2008, par Serge Raynaud

Championnat du monde des maîtres d’hôtels
Un enseignant et une élève du lycée de Biarritz au cœur du concours

L’idée de l’investissement dans ce concours m’est venue après les deux échecs successifs de l’équipe de France des Olympiades des métiers en service en salle. Lors de la dernière session, nous avons fini 14ème sur 21 nations en compétition, et derrière le Vietnam (nous parlons de service en salle !) . Aux Olympiades précédentes, la France se classait 11ème sur 16...

Les concours de salle "franco-français" ne permettent pas de nous situer sur l’échelle mondiale. Pourtant ils représentent la vitrine de notre profession, qui est décrite comme en mauvais état par trop de clients étrangers ; n’oublions pas cependant que la France est toujours la première destination touristique au monde.

C’est une association de maîtres d’hôtels Allemands qui organisait le championnat du monde, basé sur trois recettes réalisées en salle, devant le client, et obligatoirement flambées. Le lieu de la rencontre était Erfurt, ville capitale de la Thuringe, au centre de l’Allemagne, dans le cadre d’un salon international de la Gastronomie.

Deux candidats représentaient la France et les autres candidats représentaient des pays européens. L’autre représentant de la France, qui a également reçu un prix, était Pascal Obrecht, professeur au lycée hôtelier de Strasbourg.

 Les trois recettes que j’ai présentées étaient :

  • Les Queues d’Écrevisses Envoutées par la Fée Verte (queues d’écrevisse flambées à la Versinthe, sauce crémée à la sauge et autres condiments, servies dans un service à absinthe). Cette recette mettait en valeur les arts de la table, détournés de leur utilisation d’origine. J’ai voulu associer une vaisselle très novatrice ("Modulo Color" Guy Degrenne, à des verres et une fontaine à absinthe du siècle dernier)
  • Le Bœuf Strogonoff comme réalisé après un voyage du Comte à l’hôtel du Palais (filet de bœuf au paprika flambé à la Vodka et travaillé avec des produits basques). Cette recette mettait en valeur un travail de créativité en salle, mais tout en respectant l’esprit d’une vieille recette russe de 1861.
  • Les Fines Crêpes au Sirop de Coquelicot de Nemours. Cette recette mettait en avant l’importance de savoir évoluer et d’utiliser de nouveaux produits et nouveaux goûts, tout en féminisant des recettes parfois trop lourdes, comme les crêpes Suzette, et qui ne sont plus au goût du jour (il est plus facile et rapide de travailler avec un sirop que de réaliser un caramel, ce qui assure par la même occasion un caramel uniforme).

Lors de l’arrivée sur les lieux nous avons tout de suite compris que ce serait très difficile, en voyant le niveau de préparation des autres candidats, les moyens mis en œuvre (beaucoup d’argenterie était neuve, les poêlons de flambage étaient de facture de luxe, les vins et les ingrédients étaient de la meilleure qualité possible).

Pendant le briefing la veille au soir du concours, j’ai vraiment pris la mesure de l’événement, et ai décidé de modifier certains points de mes recettes pour m’adapter aux exigences du concours. Par exemple, les Italiens et les Allemands portent une attention particulière à ce que la flamme, lors d’un flambage, soit la plus haute possible, élément qui n’est pas significatif dans l’évaluation d’un flambage en France.

Le championnat se passait par ateliers successifs opposant deux maîtres d’hôtels. La langue parlée était soit l’Anglais, soit l’Allemand, soit l’Italien (Les Italiens étaient la plus importante délégation avec 5 représentants issus de provinces différentes) . Un membre de l’association traduisait ce que l’on disait. Nous officiions sur une estrade, dans un grand hall d’exposition. Les recettes étaient retransmises sur écrans géants.

Un candidat italien pendant les épreuves.
Cliquer sur l’image pour faire défiler le diaporama (Trois images)

J’avais réalisé un travail oral en allemand, grâce à madame Martine Kremer, professeur d’Allemand, afin de montrer du respect pour le pays qui me recevait. Monsieur Laurent Butet, professeur de cuisine au lycée hôtelier de Biarritz, avait eu la gentillesse de me donner des conseils culinaires, Madame Andrée Rozier, MOF cuisine 2007, restaurant "Les Rosiers" à Biarritz, m’avait aidé au niveau des assaisonnements. Je remercie également les personnels de Direction de l’hôtel Amarys de Biarritz qui m’ont permis de m’entraîner dans des conditions différentes de celles de mon cadre professionnel habituel.

Ce qui était très intéressant, c’est de voir le travail des maîtres d’hôtels étrangers, qui est sensiblement différent du nôtre, en ce qui concerne l’approche clientèle par exemple, mais également la présentation dans les assiettes, sans oublier la démarche culinaire.

Le résultat m’a fait un peu replonger dans le syndrome "Séville 1982", il était très difficile de battre le candidat Allemand, sur son terrain, et devant un jury composé de 4 Allemands et d’un Italien. La délégation espagnole et la délégation Italienne ont porté réclamation car le champion du monde avait emmené avec lui son cuisinier, et s’était attaché à des finitions en salle, au lieu de réaliser l’ensemble de la préparation sur l’estrade, comme les autres candidats (les règles n’étaient pas très claires)

Je souhaite rendre hommage à tous mes anciens professeurs, qui m’ont donné l’enseignement qui m’a permis de me présenter à ce concours, en ayant intégré les bases du service "à la Française", même si j’ai dû adapter cet enseignement et remettre à plat pas mal de certitudes.

Je souhaite également rendre hommage à Christèle Laborde, mon assistante, scolarisée en classe de première de baccalauréat technologique au lycée hôtelier de Talence et titulaire du BEP, sans qui ce résultat n’aurait pas été possible. Elle témoigne du niveau de nos élèves qui ont la capacité d’avoir la maturité professionnelle de s’inscrire dans une démarche d’excellence, à 19 ans seulement. J’associe également à ce résultat tous mes élèves de Biarritz et les remercie pour leur soutien.

Je me prépare dès à présent pour essayer de remporter le titre lors de la prochaine session, qui sera peut être organisée à Saragosse.

Gil Galasso
Professeur certifié service et commercialisation
Meilleur Ouvrier de France 2003
Classe « Maître d’hôtel, Maître du service et des arts de la table »